ARTICLE INVITE : Les bienfaiteurs du protagonisme dans le football amateur

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Dimanche après-midi sous la pluie, équipes défensives, longs ballons, bières à la fin du match : pour beaucoup, le football amateur c’est ça. Mais, comme RMC sport l’a démontré dans un reportage récent, Pep Guardiola a révolutionné l’Europe du football. Et il n’y a pas de raison que le monde amateur français n’ait pas été influencé. Certains entraîneurs, peut-être plus que ce que l’on s’imagine, défendent un parti-pris protagoniste. Rencontre.

N.B : Cet article est signé @LouisLesueur, s’il vous a plu, n’hésitez pas à le signaler dans les commentaires et à le suivre sur les réseaux sociaux.

« LE FOOTBALL RESTE UN SPECTACLE »

En octobre dernier, un but inscrit en Régional 3 en Bretagne avait émerveillé les réseaux sociaux. Anousith Boulan, attaquant de Domloup, lobait le gardien magistralement après un grand pont malicieux. Au début de l’action et avant cet exploit personnel fabuleux, on remarque l’aisance dans la relance de cette équipe du huitième échelon national : des passes au sol, courtes pour une idée de jeu précise. Cette philosophie avait été annoncée par l’entraîneur de ce club d’Ille-et-Vilaine, Julien Pannier. « Je souhaite construire une philosophie basée sur le jeu et le plaisir, sans objectif clairement affiché de résultat », indiqua le coach dès son arrivée au club en juin dernier dans une interview pour le site internet actu.fr. Malheureusement, aussi bien chez les professionnels que chez les amateurs, ces idées restent minoritaires. « Ce qui m’a surpris, c’est de voir des clubs venir ici, faire des centaines de kilomètres et accepter de ne pas jouer, relate Eddy Capron, entraîneur de Sautron (Régional 1) dans une interview pour Ouest France en juin dernier. « Je n’ai pas la prétention de jouer comme le Barça ou l’Ajax. J’ai connu le monde pro (1990-2004 : Nantes, Rennes, Sedan, Le Mans) et dans le monde pro où il y a de l’argent, tu vois ça. Mais là, on est en R1 et pour moi, il n’y a pas d’argent. je veux qu’on joue. On n’a rien à gagner, rien à perdre. Il n’y a pas de prime de match… soyez vous-même. On doit être habitué à bien jouer. »

Par bien jouer, Capron entend sans doute ici l’idée de beau jeu, comme l’a défini le plaidoyer pour le protagonisme dans le football sur ce site ; le beau jeu c’est procurer des émotions positives, pas par la victoire mais par les moyens. Bielsa a résumé cette idée en une phrase : « on oublie parfois que le football, c’est la création de l’émotion ». Ces dernières saisons en National 1, Karim Mokeddem, entraîneur de Bourg-Peronnas et anciennement de Lyon-Duchère, ne cesse de le démontrer. « Avant tout, le football reste un spectacle. Si les gens viennent au stade, c’est déjà pour passer un bon moment et voir du spectacle. Je pars du principe que c’est toujours plus agréable de voir son équipe jouer au football plutôt que de la regarder balancer des longs ballons devant et refuser le jeu. On est là pour jouer. Quand on s’inscrit à vouloir proposer un contenu, c’est automatiquement plus plaisant pour le public. »

Du contenu par un style ambitieux, courageux, technique et intelligent. « Je souhaite que mon équipe joue au foot […],tente de mettre le ballon le plus souvent possible au sol, pour éviter les duels. Et on fait en sorte qu’il y ait un maximum de jeu de passes, pour que ça puisse enchaîner », signale Maxime d’Ornano, coach du Stade Briochin (National 2). « Je veux tout faire par le jeu, avec le ballon, aux entraînements, aux échauffements et en matches, précise Laurent Sodaguet, tacticien du Grand-Quevilly FC (National 3). J’ai envie, et mes joueurs également, de mettre des buts, de marquer plus que mon adversaire pendant que certains préfèrent mener 1 à 0 puis défendre. » L’immense Johan Cruyff exposait lui-même cette idée pendant sa carrière d’entraîneur : «Le principe du football est de marquer un but de plus que l’adversaire, peu importe le nombre de buts encaissés ». Professionnels comme amateurs peuvent donc partager les mêmes principes, protagonistes. Top club ou non, et c’est bien cela le plus important.

David Fouquet, entraîneur de Bois-Guillaume en Régional 1 atteste et signe à travers ces quelques questions :

Quel est votre projet de jeu ?

« Mon projet de jeu de jeu est de faire circuler le ballon collectivement pour arriver à la surface adverse, d’avoir la maîtrise du ballon et de ne pas balancer. Je veux que mon équipe construise pour prendre du plaisir individuellement et collectivement. Nous sommes avant-derniers de Régional 1 mais je ne dérogerai pas, c’est par le jeu qu’on y arrivera. »

Quelle place a la notion de plaisir dans votre projet ?

« La notion de plaisir est primordiale, pour les joueurs qu’ils aient de jouer et de s’entraîner et pour moi pour préparer les séances. Mon idée est de fidéliser les joueurs et qu’ils s’identifient à l’équipe en proposant du jeu et en prenant du plaisir »

Quelles sont les limites de cette philosophie dans le monde amateur ?

 » Ce n’est pas toujours simple de jouer sur des terrains en herbe souvent catastrophiques où les contrôles sont compliqués. On ne peut pas avoir un entretien parfait d’un terrain en herbe à ce niveau-là. Sur ces terrains compliqués, une équipe grognarde qui utilise les passes longues pour profiter du talent d’un seul joueur gagne souvent. Le synthétique, et on a la chance d’en avoir un, permet d’avoir plus de certitude pour construire et fluidifier notre jeu. »

Un grand merci à @LouisLesueur , journaliste en herbe, pour cette contribution !


Louis Lesueur en quelques mots :

Je m’appelle Louis Lesueur, j’ai 20 ans. Je travaille depuis plus de deux ans pour le service des sports du journal Paris Normandie. Je voudrais être journaliste sportif et mon objectif à la fin de l’année est de rentrer dans une école de journalisme. 

J’ai commencé à suivre le football dès l’âge de 3-4 ans et ai pratiqué pendant douze ans. En grandissant notamment avec le football de Guardiola, j’ai rapidement pris conscience que le football ne se limitait pas à la victoire mais qu’il était même plus important de pratiquer un jeu plaisant pour ne pas s’endormir devant les rencontres. La saison de Bielsa à l’OM a elle aussi contribué à changer cette vision du football. 

J’ai grandi en écoutant « l’after foot » ce qui a aussi contribué à développer ma vision du football, notamment grâce à Daniel Riolo. Toujours en suivant cette même idée, je consulte fréquemment le site des « cahiers du football » et ai lu leurs deux premiers livres passionnants (le troisième arrive à Noël).

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