Premier de Bundesliga à quelques semaines de la trêve hivernale en Allemagne, Le RB Leipzig semble parti pour bouleverser la hiérarchie du football allemand cette saison. Ce club, issu de la section sportive du SSV Markranstadt, a pris son essor en 2009 après le rachat par le patron de l’entreprise Red Bull, Dietrich Mateschitz. Passé entre 2009 et 2016 de la 5eme division à la tête de la Bundesliga, nous pourrions penser que ce club de la Saxe parrainé par un multi-millionnaire n’a rien à faire sur un blog qui souhaite présenter des équipes jouant un beau football sans un budget mirobolant. Cet argument sera peut-être recevable dans deux ou trois ans. Car, pour le moment, ce club est bâti à partir d’un « business model » très précis qui se définit selon les modalités suivantes : budget strictement encadré, effectif sans star et fondé sur l’éclosion de jeunes joueurs, philosophie de jeu spectaculaire et identité club très développée du centre de formation à l’équipe professionnelle sous l’égide du directeur sportif Ralf Rangnick. Mais concrètement comment évolue cette équipe sur le rectangle vert ?
N.B : en cas de première visite sur le site n’oubliez pas d’aller lire mon A propos, car il est la clé pour comprendre tout le site. J’espère qu’il vous plaira.
COMPOSITION ET ANIMATION
LE RB LEIPZIG EN PHASE OFFENSIVE
Le RB Leipzig sous la direction de Hasenhuttl c’est l’école du « passe et va », du jeu en 1 touche de balle et de la verticalité. Ces principes de jeu se retrouvent constamment dans la construction des actions offensives. Les attaques sont de véritables déferlantes et le porteur de balle a toujours 2 ou 3 solutions qui s’offrent à lui. Pour amener de la verticalité, le mouvement permanent, les appels profonds sont des conditions décisives. Avec Poulsen, Werner, Keita, Forsberg, Sabitzer, l’entraineur dispose d’au moins 5 joueurs capables de produire un grand volume d’appels de balle sans ballons.
Dans un premier temps, il s’agit de remonter le bloc correctement au niveau de la médiane sans perdre le cuir. Pour cela, un premier « carré » de joueurs constitué des deux défenseurs centraux plus Keita et Demme se mettent en mouvement pour sortir des marquages adverses. Cependant les défenseurs centraux ne recherchent pas un jeu court systématiquement. Ils sont capables d’allonger directement dans le dos de la défense adverse pour Werner ou Sabitzer, qui, une fois lancés, sont très difficiles a arrêter. Cette possibilité, qui se juxtapose avec le jeu court proposé par Keita, Demme et Forsberg rend leur jeu difficile à lire. L’incertitude, notion clé pour créer un décalage est ici bien visible. De plus, la qualité technique des premiers relanceurs permet de ne jamais paniquer et d’avoir très souvent l’initiative de l’attaque.
Arrigo Sacchi aime rappeler qu’une grande équipe débute dans un schéma théorique, (type 4-4-2, 4-3-3 etc.) mais qu’elle s’anime concrètement sur le pré bien différemment de ce schéma. Le groupe de Leipzig rentre complètement dans son idée. Cette équipe qui apparaît sur tableau noir en 4-4-2, suit dans les faits une animation qui ressemble beaucoup plus à un 4-2-2-2. Effectivement, derrière ce carré de premiers relanceurs, viennent se placer Forsberg et Sabitzer pour former un second carré dans l’axe. Forsberg occupe rarement son côté gauche. Son objectif est de surprendre l’adversaire à partir de la gauche pour rentrer dans l’axe, se situer entre les lignes et pouvoir servir ses attaquants dans les meilleures conditions.
(Forsberg quitte régulièrement son côté gauche pour être trouvé entre les lignes adverses)
Sabitzer est un très bon allié dans cette démarche puisque il lui ouvre constamment des espaces par des appels profonds dans les « half space » (zones situées entre le défenseur latéral et le défenseur central) ou demandant dans les pieds à côté de lui. Concrètement, cette quantité d’appels, coordonnés et effectués à la vitesse de l’éclair, créent énormément d’incertitudes et de décalages chez l’adversaire. D’autre part, la densité de joueurs dans l’axe et la qualité technique de chacun d’entre eux permet du jeu à une touche de balle contre lequel il est très difficile de défendre sans faire faute.
(Sabitzer, entouré, est rentré dans l’axe et a délaissé le côté droit. Les joueurs sont proches les uns des autres pour pouvoir jouer en une touche et créer des surnombres)
En outre, il ne faut pas surtout négliger le rôle de Werner, l’attaquant aux côtés de Poulsen ainsi que des 2 défenseurs latéraux. Ces trois joueurs jouent un rôle fondamental dans cette création constante d’une verticalité. Werner est extrêmement libre sur le front de l’attaque. Mais sa spécialité est de s’engouffrer dans tous les espaces ouverts par ses coéquipiers et notamment à gauche où l’absence de Forsberg lui permet de s’exprimer. Les dédoublements des défenseurs latéraux sont aussi très nombreux. Ralph Hasenhuttl leur donne le droit de se projeter très loin et de participer à la finition des actions si nécessaires. Il n’est donc pas rare de voir ces joueurs dans la surface de réparation adverse, plus particulièrement à droite, côté dominant dans la construction des actions de Leipzig.
Même si la Bundesliga est constituée de beaucoup d’équipes qui veulent prendre l’initiative du jeu sans trop subir, certaines d’entre elles évoluent en bloc bas et commencent à sérieusement se méfier du club de la Saxe. Dans ce cadre, l’équipe d’Hasenhuttl dispose d’outils pour créer du danger. Cet outil c’est le jeu long. Contre Fribourg lors de la 12eme journée, ce fut particulièrement évident. Premièrement, ils utilisent très efficacement la densité autour du receveur (Poulsen) pour jouer au mieux les deuxièmes ballons, et obtenir des frappes ou des corners. Le premier but marqué contre Fribourg s’est joué sur un corner obtenu lors d’une action typique dans ce registre. D’autre part, le jeu long est aussi utilisé pour trouver Werner, Sabitzer voire Poulsen (qui malgré sa taille est assez rapide) dans le dos de la défense surtout si celle-ci est mal alignée. Le deuxième but marqué contre Fribourg par Werner en est le prototype. Celui-ci est trouvé dans le dos de la défense basse de Fribourg mal-alignée.
Enfin, la phase de finition du club des quartiers nord de la ville est assez simple mais très efficace. Dès qu’une situation de frappe apparaît, tous les joueurs ne se privent pas de l’exploiter qu’ils soient milieux ou attaquants. Forsberg marque le deuxième but de son équipe contre Leverkusen d’une frappe des 30 mètres. Keita marque contre Fribourg dès le début du match d’une frappe de 25 mètres à la suite d’un corner. Sur ce point, la tradition allemande autour de frappeurs de grande qualité est bien respectée. Cependant, ils ne rentrent pas dans la caricature de la frappe à outrance. Les centres sont aussi des axes prioritaires de finition des actions.
PRINCIPES DEFENSIFS ET TRANSITIONS DU RB LEIPZIG
La tenaille est une bonne définition du jeu défensif de Leipzig. Tous les joueurs sans exception participent à l’effort de récupération. Celle-ci se fait en plusieurs temps selon la configuration du match. Majoritairement, l’ensemble des joueurs se présentent en bloc très compact au niveau de la ligne médiane, sous la forme d’un 4-4-2. La 1ere ligne de deux joueurs (Werner et Poulsen) va harceler le porteur de balle dès que celui-ci se rapproche de la ligne médiane, afin de le forcer à allonger et dans tous les cas d’empêcher les redoublements entre les deux défenseurs centraux.
(la configuration initiale classique en 4-4-2 bloc médian-haut. Timo Werner se prépare à aller isoler le porteur de balle)
L’adversaire doit donc très vite faire des choix en possession du ballon car le temps de respiration est relativement court. Derrière les attaquants les 4 milieux sont très proches les uns des autres, et cherchent surtout à couper toute possibilité de passe verticale dans l’axe à travers leur ligne. Les milieux de terrain ne doivent pas pouvoir respirer au cœur du jeu.
(la tenaille et la proximité entre les joueurs défensivement ici clairement illustrée. Kampl est cerné. A noter les défenseurs a moins de 10 mètres qui jouent le hors-jeu)
Dans ce cadre, les joueurs sont souvent amenés à donner le ballon sur les côtés. C’est à ce moment que le deuxième temps de récupération s’active. Lorsque le ballon arrive dans les pieds du latéral adverse, l’ensemble de l’équipe se déplace pour isoler celui-ci ainsi que toutes les solutions potentielles qui s’ouvrent à lui.
(les joueurs de Leipzig cherchent à initier un 4 contre 3 sur le côté même s’il faut laisser un joueur seul dans l’axe. La proximité entre les joueurs doit l’empêcher de pouvoir recevoir le ballon. On voit Poulsen également revenu très bas)
Les deux attaquants empêchent la passe en retrait par leur placement. Le milieu de côté est en 2 contre 1 face au milieu latéral de Leipzig ainsi qu’un joueur d’axe en renfort (Keita très souvent). Le milieu à l’opposé de l’action revient dans le centre du terrain pour les couvrir. Demme est aussi un joueur clé durant cette phase puisque il se situe toujours plus en retrait pour couvrir les déplacements de ses partenaires et empêcher le jeu direct sur les attaquants. Enfin la ligne des défenseurs est très proche de ses milieux, même si cela passe par ouvrir la profondeur. Car, le but est d’empêcher l’adversaire de s’intercaler entre les lignes.
Ce harcèlement immédiat, fondé sur une distance de marquage extrêmement serrée, empêche l’adversaire d’utiliser une transversale pour jouer à l’opposé ou en profondeur. Ce travail très efficace en ce début de saison est très exigeant physiquement. Pour l’instant, le fait de disputer une seule compétition par semaine (éliminés en coupe au 1er tour) ainsi que l’excellente préparation athlétique qu’ils ont subi les aide beaucoup à rendre ce système efficace. Ils sont au-dessus physiquement, dans le volume de courses, de quasiment toutes les équipes de Bundesliga. Les attaquants dépassent régulièrement les 10 kilomètres par match.
Notons que si cette configuration expliquée ci-dessus est majoritaire, elle n’est pas exclusive. Face à une équipe réputée plus faible, ou attentiste, les joueurs transforment quelque peu leur attitude. Le bloc défensif est légèrement plus bas, afin de les laisser venir pour pouvoir les aspirer par la suite et les contrer. Si ces derniers multiplient démesurément les passes latérales inoffensives, les joueurs de Leipzig se préparent pour surgir et chasser très haut à la première erreur technique ou passe hésitante. De plus, sur les corners adverses, les joueurs sont positionnés en défense mixte, avec une partie qui reste en zone et l’autre partie qui cadre un joueur adverse choisi à l’avance.
Ainsi la phase défensive de Leipzig est particulièrement moderne. Non pas parce qu’elle pratique un pressing tout-terrain constant mais parce que tout le monde sans exception défend, tout le monde sait exactement ce qu’il doit faire dans une situation donnée. Il n’est pas rare de voir Poulsen ou Werner aller jusque dans leur propre surface pour aider à la récupération notamment dans les temps faibles de son équipe. Ce retour si bas n’est jamais inutile pour le collectif de Leipzig, car il permet de réussir au mieux leurs transitions. Celles-ci sont fondées surtout sur une remontée collective du ballon, du jeu ultra rapide mais court en 1 touche de balle, tout en attendant le bon tempo pour lancer en profondeur Werner, Sabitzer ou le défenseur latéral qui aura pris la profondeur. Toutefois, dans ce collectif ultra-homogène quels joueurs paraissent sortir du lot ?
LES JOUEURS CLES
Hasenhuttl change très peu son onze de départ s’il est épargné par les blessures. Non pas parce qu’il n’a personne sur le banc, mais surtout car certains joueurs incarnent parfaitement le plan de jeu qu’il souhaite mettre en place. Parmi eux, il y a le jeune Naby Keita. Ce joueur né en 1995 (1m72, 68 kilos), a beaucoup persévéré avant de pouvoir exploser en Bundesliga. Son premier objectif était de s’imposer dans un club français de l’élite. Dans cette optique il fait un essai à Lorient, puis au Mans sans résultat.
C’est finalement à Istres, à l’époque en deuxième division qu’il parvient s’intégrer. En 23 matchs, il marque 4 buts et réalise 9 passes décisives. Révélation de ligue 2, il décide de poursuivre sa carrière dans le club ambitieux du Red Bull Salzbourg dans lequel il devient très vite la coqueluche de l’équipe. Après avoir gagné le championnat et la coupe d’Autriche il est transféré dans le club satellite de Leipzig. C’est un joueur qui allie avec beaucoup de facilité volume de jeu et justesse technique. Capable de s’intercaler comme un premier relanceur, il peut sans problème se retrouver à la finition des actions, que ce soit dans la dernière passe ou dans la frappe. Très généreux, il est capable d’éliminer beaucoup d’adversaires en 1 contre 1 dans n’importe quelle zone du terrain. Hasenhuttl l’a bien compris et ne le fait quasiment jamais sortir du terrain.
(source : www.africasports.com)
Il est très complémentaire d’un autre joueur proche de lui : Marcel Sabitzer. Agé de 22 ans cet international autrichien compte déjà 25 sélections. Symbole du renouveau de la formation autrichienne, il est à l’image de David Alaba : complet et impressionnant dans son volume de courses. Capable d’alterner appels en profondeur, jeu dans les pieds, il lit très bien le jeu pour pouvoir proposer une solution toujours pertinente à ses partenaires.
Disposant lui aussi d’une belle qualité de frappe, il marque toujours entre 5 et 10 buts par saisons. Citons également Timo Werner et Forsberg, tous les deux internationaux, et qui sont de véritables aspirateurs à ballons sur le terrain. Le premier sait parfaitement jouer de sa vitesse supersonique pour jouer dans les espaces, étirer et fatiguer les blocs adverses afin de faire parler ensuite son adresse devant le but (déjà 7 buts cette saison). Le second est un homme crucial dans le dispositif de Hasenhuttl mais il fera l’objet d’un article plus spécifique dans peu de temps.
Une observation détaillée des joueurs importants fait ressortir un profil presque type qui intéresse beaucoup Ralf Rangnick. Le directeur sportif s’intéresse beaucoup aux jeunes internationaux, polyvalents sur le terrain, capables aussi bien de défendre que d’attaquer. La technique sous pression, les qualités de finisseur et la fraicheur mentale et physique semblent au cœur des critères de sélection des joueurs.
CONCLUSION
Meilleure attaque du championnat (à égalité avec Dortmund) avec 27 buts, troisième meilleure défense, cette équipe composée de multiples internationaux n’est pas en haut du classement par hasard. Animée par les idées d’un jeune entraîneur clairvoyant, et sans casser une tirelire pourtant bien volumineuse, cette équipe franchit des paliers mois après mois. Au-delà du « buzz » autour du titre de champion, ce groupe n’a pas fini de faire parler de lui et tant mieux car c’est un vrai régal de les voir évoluer. A vos téléviseurs !
BILAN
Les points forts :
- Une équipe qui cherche toujours à créer, à prendre l’initiative du jeu quel que soit le contexte
- Des joueurs au milieux et devant très complets capables de défendre et d’attaquer
- Grosse qualité technique globale et volume physique impressionnant
- Equipe qui dispose d’un banc de touche relativement fort pour compléter le onze
- Aucune star dans l’équipe, une mentalité et détermination collective spectaculaire
- Un gardien fort dans tous les domaines sans être exceptionnel dans l’un en particulier
- Une ligne de conduite et une philosophie de jeu partagée du directeur sportif à l’entraineur.
- Grosse qualité sur coups de pied arrêtés grâce à Forsberg.
Les axes de progrès :
- Des espaces assez énormes si l’adversaire réussit à transférer le jeu régulièrement.
- Défense centrale participe peu à la relance, incapable de verticaliser au sol.
- Joueurs défensifs assez lents de manière générale.
- Très peu de phase de gestion par de la conservation ce qui peut porter préjudice physiquement.
- Si remontée de balle collective interceptée, l’équipe devient ultra exposée.
Salut salut
Super site ^^ les captures d’écrans sont bien plus claires maintenant.
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