Le Las Palmas 2016-2017 de Quiqué Sétien : éloge du Toque!

Temps de lecture : 8 minutes

 

      Quatrième de Liga en Septembre, avec un match nul contre le Real Madrid en prime, l’équipe des Canaries a fait du bruit en Espagne en début de saison, en proposant un jeu tourné vers l’offensive. Redescendu à la 9eme place, les principes de jeu de cet effectif sont pourtant restés les mêmes et le contenu de leur match toujours aussi passionnant. Analyse de l’équipe d’une île qui n’a peut-être pas encore fini de faire parler d’elle.

N.B : en cas de première visite sur le site n’oubliez pas d’aller lire mon à propos, car il est la clé pour comprendre tout le site. J’espère qu’il vous plaira.

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COMPOSITION

vrai compo las palmas

LAS PALMAS EN PHASE OFFENSIVE

     Le jeu d’attaque de Las Palmas est fondé sur deux notions capitales dans le football : la notion d’appui et le redoublement de passe (nommé Toque en Espagne et Amérique du Sud). En effet, le toque est un style de football fondé sur le redoublement de passes courtes et rapides pour fatiguer l’adversaire afin de mieux le déstabiliser par la suite. L’équipe de Las Palmas est très impressionnante dans ce registre car son jeu est fondé sur une construction lente des actions, assez peu verticale au départ. L’objectif initial est d’installer une grande partie du bloc dans le camp adverse pour placer l’équipe d’en face sur le reculoir. C’est d’ailleurs dans ce même objectif que les joueurs offensifs comme Araujo et Prince Boateng sont utilisés en tant qu’appuis, dos au jeu et très souvent entre les lignes. Les joueurs des Canaries ont besoin d’être très proches les uns des autres pour développer leur football et on observe très vite que Boateng n’occupe pas beaucoup son couloir. Il préfère se rapprocher de ses collègues du milieu ou de son attaquant pour combiner et ce sont les arrières latéraux qui amènent la largeur.

Jeu offensif las palmas vrai

(Boateng a déserté son couloir à gauche pour réclamer le ballon entre les lignes dans l’axe. On voit aussi Viera en neuf et demi aux côtés de Araujo)

      De plus, comme la majorité des équipes espagnoles, ils s’attachent à toujours repartir du gardien si possible au sol, à ne jamais s’affoler même face au pressing adverse. Pour autant, ils n’hésitent pas à jouer long quand il le faut, et une nouvelle fois c’est Boateng qui est le plus souvent recherché dans cette configuration de par sa taille, sa détente et surtout la qualité de son jeu de tête. C’est grâce aux surnombres effectués au milieu, notamment dans l’axe qu’ils occupent majoritairement, et à partir des pieds brillants de Roque Mesa et Vicente Gomez qu’ils débloquent des situations offensives. Soulignons la grande activité du latéral Macedo, beaucoup servi en profondeur après une fixation réussie au centre. En outre, Las Palmas possède une qualité peu visible dans les effectifs de ce niveau : des défenseurs centraux qui peuvent eux-mêmes créer des décalages. En effet, alors que l’on cantonne souvent les défenseurs centraux des équipes de milieu de tableau à donner au milieu le plus proche ou à relancer long, Bigas et David Garcia vont plus loin. Il n’est pas rare de les voir pénétrer balle au pied jusqu’au milieu pour fixer des adversaires, ou réaliser une passe verticale entre les lignes. C’est un énorme point fort.

      Enfin, la phase de finition est souvent la propriété d’un joueur clé que nous présenterons plus bas : Jonathan Viera. C’est lui qui, placé plus comme un neuf et demi que comme un 10 et très libre sur le front de l’attaque, peut distiller les dernières passes. Dans ce registre, il apprécie beaucoup les passes par-dessus la défense, très subtiles, presque des louches pour trouver un latéral lancé ou une déviation. L’avantage de ces ballons, nécessitant une très bonne technique pour être réussis, c’est qu’ils provoquent la surprise chez l’adversaire, ce qui permet soit de garder un temps d’avance  pour frapper ou centrer, soit d’obtenir une faute dans la surface. Les centres ne sont pas négligés pour autant, et les ballons sont souvent donnés au sol en retrait, comme en témoigne le dernier but face au Celta Vigo le 30 octobre 2016. Même si les joueurs de Quique Sétien aiment confisquer le ballon à l’adversaire, ce n’est pas toujours facile, car en Espagne, beaucoup d’équipes sont très solides dans ce registre. Il faut donc s’organiser défensivement en conséquence.

LA PHASE DEFENSIVE DE LAS PALMAS

      La priorité défensive de Quiqué Sétien avec son équipe n’est pas de développer un pressing ultra agressif et très haut chez l’adversaire. Avec Boateng, Araujo et Jonathan Viera il n’a pas de joueurs capables de produire un volume de courses défensives  très conséquent. De plus la lenteur des défenseurs centraux comme Bigas et David Garcia ne permet de placer le bloc trop haut sous peine d’ouvrir trop la profondeur. Par conséquent, cette équipe à pour habitude de se disposer en bloc médian en s’adaptant dans un premier temps à la configuration de l’adversaire. Quand ils reçoivent le Celta Vigo disposé en 4-3-3, ils se placent en 4-3-3. Quand ils déplacent à Villarreal qui joue en 4-4-2 ils se replacent en 4-4-2 médian.

4-4-2 médian vrai las palmas

(Le 4-4-2 médian en zone est ici bien visible, l’objectif est de se calquer un minimum sur l’adversaire puis de couper les lignes de passes notamment dans l’axe)

     Une fois en place, les joueurs se déplacent progressivement en tentant de créer un surnombre au milieu qui va permettre de récupérer le ballon. Roque Mesa est le plus souvent dans une logique de couverture de ses partenaires qui se déplacent en zone. Il faut souligner dans ce registre la très grosse activité de Vicente Gomez qui vient aussi appuyer la fermeture d’une action qui partirait d’un couloir. Néanmoins Las Palmas est une équipe qui encaisse souvent des buts de l’adversaire car certaines faiblesses sont trop criantes (de Septembre a Novembre il n’y a que contre Malaga, l’Espanyol Barcelone et Eibar qu’ils n’ont pas pris de but). D’abord même en bloc médian, sans ouvrir la profondeur, les défenseurs centraux sont exposés aux appels dans leur dos. Deux des trois buts encaissés contre le Celta sont révélateurs à cet égard.

vrai faiblesse profondeur las palmas

(Las Palmas est en train de basculer de son bloc médian vers un bloc bas en raison du danger de Pione Sisto à gauche avec le ballon, mais Aspas commence déjà à prendre la profondeur dans l’axe, dans le dos des défenseurs pour aller marquer le deuxième but.)

     De plus, dans les couloirs et notamment du côté de Boateng ils affichent des faiblesses et notamment une difficulté à réduire les espaces. Les distances de marquage sont trop importantes et les supériorités numériques de l’adversaire sont possibles en raison du repli poussif des joueurs de côté. Ce sont des axes de progrès conséquents même si leur objectif sera toujours de marquer un but de plus que l’adversaire.

            Notons pour conclure, que les transitions  d’une situation défensive à une situation offensive sont essentiellement utilisées pour conserver le ballon, et reconstruire une attaque placée. Il arrive de voir Boateng ou Viera partir seuls en conduite de balle, mais hélas sans grand danger.

LES JOUEURS IMPORTANTS

       On ne peut comprendre la progression de cette équipe sans revenir sur certains joueurs clés qui apportent leurs qualités et franchissent des paliers à chaque trimestre. Encore une fois, il n’y a pas besoin de stars pour pratiquer un bon football puisque cette équipe n’en comporte aucune, à part peut être Kevin Prince Boateng que le président nomme lui-même « el galactico ». A 29 ans, Boateng a écumé de nombreux clubs dans de nombreux pays comme Tottenham, Dortmund, le Milan AC  ou Schalke.  Mais ces trois dernières saisons furent très pauvres à l’AC Milan et Schalke avec notamment 7 buts en 60 matchs en Allemagne. Il dit lui-même être venu se relancer sous le soleil des Canaries, dans un championnat qui reste très attractif. Avec 4 buts en 9 matchs sous le maillot jaune, il est bien parti pour réussir son pari. Il joue un rôle clé dans l’équipe de Quique Sétien aussi bien dans ses qualités de percussion, d’appui (au sol et de la tête) mais aussi par sa grande adresse dans la surface de réparation. Le but de volé exceptionnel qu’il met contre Villarreal au terme d’une action collective inouïe, l’illustre bien (allez voir le résumé des buts de ce match !).

            Mais il n’est pas seul dans cette équipe,  2 autres joueurs sont au moins aussi importants que lui pour le collectif. Le premier est Jonathan Viera. Enflammé par les médias au tout début de sa carrière où il est annoncé comme le futur David Silva, le joueur formé à Las Palmas n’a jamais confirmé les espoirs placés en lui dans tous les clubs qu’il a parcouru. A Valence il marque deux buts en 26 matchs, au Standard de Liège il ne fait que 7 petites apparitions.  Le joueur de 27 ans renaît dans son club formateur où son rôle est multiple. Non seulement il marque régulièrement des buts (3 buts marqués depuis le début de la saison), mais il est surtout chargé de donner les dernières passes, les dernières louches par-dessus la défense ou les derniers centres. Très libre sur le front de l’attaque il dézone très régulièrement dans l’axe. Excellent tireur de coup de pied arrêté, il apporte son intelligence dans le déplacement et sa fine technique au collectif des Canaries.

        Enfin, citons Roque Mesa Quevedo, le régulateur de cette équipe. Né le 7 juin 1989, ce petit gabarit quelque peu trapu (1m71, 72 kilos), impressionne toute la liga par la pureté et la clairvoyance de son jeu. Passé par d’obscurs équipes des divisions inférieures en liga (Levante B, Tenerife B) il émerge quelque peu sur le tard. Dans un rôle « à la Busquets » (toute proportion gardée bien sûr), il excelle dans l’organisation des attaques et la couverture défensive. Capable de jouer des deux pieds, d’orienter à droite et à gauche, sa couverture de balle ne lui permet de ne pas s’affoler sous la pression adverse. Aux côtés de Vicente Gomez, plus grand mais tout aussi technique, il apporte sérénité et calme à tout l’effectif.

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CONCLUSION

     Il n’y a pas besoin de grands moyens pour bien jouer au football. L’équipe de Las Palmas en est un exemple parfait. Avec une partie de joueurs formés au club (Vicente Gomez, Jonathan Viera, Raul Lizoain, Tana), un coup tenté ( Boateng) et surtout un entraineur ambitieux, travailleur et soutenu par ses dirigeants, l’équipe attire les yeux des téléspectateurs de la Liga et des scouts des clubs étrangers. Passé du milieu de tableau au ventre mou, cette équipe n’a pas fini de nous surprendre, et probablement positivement en fin de saison. A suivre.

BILAN

Les points forts :

  • Un entraîneur de qualité, des dirigeants forts qui soutiennent son projet de jeu.
  • Formation d’un effectif basé sur la technique individuelle, du gardien à l’attaquant.
  • Un jeu de conservation , d’appuis, et de combinaisons très bien développé.
  • Des défenseurs centraux techniques qui peuvent créer des décalages eux-mêmes.
  • De la qualité sur coups de pied arrêtés.

Les axes de progrès :

  • Equipe très exposée à la profondeur et aux contres rapides des adversaires.
  • Trop d’espaces laissés sur les côtés.
  • Conservation parfois stérile et manque de tranchant visible dans les dernières passes (3-0 pour Vigo à la mi-temps alors qu’ils avaient 80% de possession de balle)
  • Manque de variété dans les appels, les attaquants et milieux prennent peu la profondeur.
  • Equipe qui peut plonger physiquement et se retrouver acculée sur son but, sans véritable apport du banc de touche.
  • Le jeu penche trop à droite côté Tana et Jonathan Viera

source image 1 : www.worldfootball.net

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